Dans un tournant majeur de la régulation numérique en Europe, la Commission européenne a infligé ce mercredi une amende cumulée de 700 millions d’euros à deux mastodontes américains de la tech : Apple et Meta. Cette décision marque la première application concrète du Digital Markets Act (DMA), nouvelle législation européenne entrée en vigueur l’an dernier, visant à limiter l’emprise des plateformes dominantes sur le marché numérique.
Apple, visée pour ses pratiques commerciales restrictives
Le géant californien Apple a écopé de 500 millions d’euros d’amende pour avoir imposé, via son App Store, des clauses contractuelles empêchant les développeurs d’informer les utilisateurs sur des moyens de paiement alternatifs hors de l’écosystème Apple. Une pratique que Bruxelles qualifie d’entrave à la concurrence, car elle limite les choix des consommateurs et empêche une libre fixation des prix. Pour la Commission, ces restrictions constituent un abus de position dominante et contreviennent aux nouvelles règles de transparence exigées par le DMA.
Meta, sanctionnée pour son usage des données personnelles
De son côté, Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, se voit infliger une sanction de 200 millions d’euros. Le reproche : avoir continué à collecter et exploiter les données personnelles de ses utilisateurs à des fins publicitaires sans proposer une alternative claire ni obtenir un consentement explicite. Une méthode jugée incompatible avec les exigences de consentement et de protection des données personnelles imposées par le nouveau règlement.
Un avertissement clair à l’industrie
La Commission européenne, par la voix de la commissaire à la Concurrence, Teresa Ribera, a indiqué que ces mesures visaient à « rétablir un équilibre sain dans l’écosystème numérique ». Selon elle, « les décisions prises aujourd’hui adressent un message fort aux grandes plateformes : les règles du marché s’appliquent à tous, sans exception. »
Fait inhabituel, aucune conférence de presse n’a été organisée. Les décisions ont été diffusées via un simple communiqué, sans tambour ni trompette, mais avec un effet de choc indéniable sur la scène numérique mondiale.
Des sanctions symboliques face à des géants économiques
Bien que significatives en termes de message politique, les sanctions restent symboliques au regard de la puissance financière des groupes concernés. L’an dernier, Apple a dégagé un bénéfice net de près de 94 milliards de dollars, tandis que Meta affichait 62 milliards. Mais l’objectif, explique Bruxelles, n’est pas tant pécuniaire que stratégique : « Le but du DMA est de pousser à la mise en conformité, pas de ruiner les entreprises. »
Les deux groupes disposent désormais d’un délai de 60 jours pour se plier aux exigences européennes. En cas de non-respect, des pénalités journalières pourraient être appliquées.
Tensions transatlantiques en toile de fond
Ces sanctions interviennent dans un climat géopolitique déjà tendu entre Bruxelles et Washington. Le président américain Donald Trump, de retour à la Maison Blanche, a multiplié les critiques contre les mesures européennes visant les entreprises américaines. Son administration s’oppose à toute « discrimination » envers la Silicon Valley, et les négociations sur la levée des droits de douane imposés à l’UE s’en retrouvent encore plus fragilisées.
Joel Kaplan, vice-président chez Meta et proche de Donald Trump, n’a pas mâché ses mots : « L’Europe s’attaque aux entreprises américaines les plus performantes tout en laissant les géants chinois et européens prospérer selon leurs propres règles. »
Vers une conformité rapide ?
Malgré cette rhétorique offensive, Meta aurait déjà proposé une modification de ses politiques de gestion des données afin de se conformer aux normes du DMA. Bruxelles examine actuellement cette proposition. Si jugée satisfaisante, elle pourrait mettre un terme à la procédure sans nouvelle sanction.
De son côté, Apple a annoncé faire appel, tout en déclarant vouloir maintenir un dialogue constructif avec les autorités européennes.
Une bataille judiciaire qui ne fait que commencer
Apple, Meta, mais aussi Google (Alphabet), sont sous le coup de multiples enquêtes, tant à Bruxelles qu’à Washington. L’ère de l’impunité semble révolue pour les géants du numérique. Ce mercredi, plus de 200 médias français, dont Libération, TF1 ou Radio France, ont d’ailleurs saisi la justice contre Meta pour « pratiques illégales dans la publicité en ligne ».
La guerre pour le contrôle du numérique mondial est lancée, et l’Europe entend bien faire respecter ses règles.