Alors que les cyberattaques se multiplient et que la transformation numérique des institutions s’accélère, le Maroc envisage une réponse d’envergure : la mise en place d’un datacenter national souverain. Cette ambition, évoquée lors des Rencontres du Risk Management 2025 à Casablanca, témoigne d’une volonté claire de positionner le Royaume en acteur incontournable de la cybersécurité et du numérique sur le continent africain.
Une riposte à la hauteur des enjeux
À l’heure où les entreprises et les administrations publiques sont de plus en plus vulnérables aux menaces informatiques — rançongiciels, vols de données, compromission de comptes —, l’idée d’un datacenter souverain fait son chemin. Cet équipement stratégique, qui serait entièrement financé par l’État, permettrait d’offrir une infrastructure sécurisée et résiliente, capable d’héberger les données sensibles des acteurs publics comme privés.
Le projet, inspiré des modèles américains ou asiatiques, prévoit une gestion confiée à une entité publique spécialisée, avec une répartition bien pensée des capacités de stockage : 25 % pour l’État, 25 % pour les établissements financiers, et 50 % destinés aux entreprises de divers secteurs. Ce système offrirait un modèle de colocation permettant aux sociétés d’externaliser tout ou partie de leurs systèmes d’information, tout en bénéficiant de services de cybersécurité avancés.
Une réponse à une croissance exponentielle des données
Selon les prévisions, les investissements dans les datacenters au Maroc pourraient atteindre les 328 millions de dollars d’ici 2026, soit plus de 32 milliards de dirhams. Le marché connaît une croissance annuelle moyenne de 6 %, tirée par une explosion sans précédent du volume de données échangées au niveau mondial — estimé à 175 zettaoctets d’ici la fin de l’année.
Cette dynamique pousse les organisations à revoir leurs capacités de traitement, de stockage et de disponibilité, tout en garantissant une sécurité à toute épreuve. Le futur datacenter marocain viendrait ainsi combler une lacune stratégique, en proposant une infrastructure locale capable de rivaliser avec les normes internationales.
Une prise de conscience renforcée
Les chiffres de l’Ausimètre 2024, produit par l’Association des Utilisateurs des Systèmes d’Information au Maroc (AUSIM) en partenariat avec PwC, sont édifiants :
90 % des entreprises marocaines placent les risques cyber en tête de leurs préoccupations,
84 % redoutent les rançongiciels,
61 % ont subi des fuites de données,
et 6 % d’entre elles ont essuyé des pertes financières supérieures à 10 millions de dirhams.
Outre les impacts économiques, c’est la réputation et la continuité des services qui sont mises en péril. Face à ces constats, la mise en œuvre d’un datacenter souverain ne relève plus du luxe technologique, mais d’un impératif de souveraineté numérique.
Un levier pour l’attractivité numérique du Maroc
Le projet, dont les prémices remontent à 2018, s’appuie sur les nombreux atouts du Royaume : cadre réglementaire favorable, politiques d’incitation à l’investissement, infrastructure énergétique compétitive, et stabilité politique. Ces facteurs combinés pourraient permettre au Maroc de devenir un hub technologique africain, capable d’attirer les géants du numérique en quête de relais régionaux fiables.
En dotant le pays d’un datacenter national, le Maroc franchirait une nouvelle étape vers la consolidation de sa stratégie digitale, tout en assurant la protection de ses infrastructures critiques. Ce choix politique, stratégique et économique, s’inscrit dans une vision d’avenir où souveraineté numérique rime avec résilience, innovation et attractivité.
